Réunis en session extraordinaire, ce samedi 24 février 2024 à Abuja au Nigeria, les dirigeants des pays membres de la CEDEAO ont décidé de lever les sanctions contre le Niger « avec effet immédiat ». Ces sanctions avaient été imposées à Niamey après la prise du pouvoir d’un régime militaire qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le 27 juillet 2023.
L’institution ouest-africaine invoque des motivations humanitaires, mais aussi religieuses, avec le carême en cours et le prochain ramadan. Depuis ce samedi donc, plus de blocage des transactions financières et bancaires contre le Niger, c’est la fin du blocus énergétique, le retour des vols commerciaux au départ et à l’arrivée du Niger… Cette session extraordinaire, contrairement aux précédentes où les décisions étaient plus dures à l’endroit des juntes du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée, lance une invitation officielle aux militaires au pouvoir dans ces pays jusque-là suspendus, pour les prochaines sessions de la conférence des chefs d’État et de gouvernement.
La CEDEAO a mis de l’eau dans son vin. Les sanctions ont été levées sans que les mis en cause ne soient revenus à la raison. Bien au contraire, les dirigeants de ces pays ayant pris le pouvoir par la force sont toujours droits dans leur botte ! Mieux, ils continuent d’afficher cette attitude de solidarité et multiplient les rencontres pour se structurer pour mieux supporter les sanctions.
Dernier acte en date. Après la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), les trois juntes malienne, Burkinabè et nigérienne ont proclamé, le 28 janvier 2024, leur retrait avec « effet immédiat » de l’organisation ouest-africaine. Une décision qui a mis la CEDEAO devant le fait accompli. Car, loin de les faire fléchir et rendre le pouvoir aux civils, les putschistes semblent avoir été bien revigorés par les sanctions prises par l’organisation dirigée par le Nigerian Bola Tinubu.
Grâce à leurs canaux de communication, notamment les réseaux sociaux, ces pouvoirs kaki sont parvenus à obtenir le soutien de leurs opinions publiques. Et au-delà. L’un des pères fondateurs de la CEDEAO, l’ancien chef de l’État nigérian, Yakubu Gowon, n’est-il pas sorti de sa réserve le 21 février dernier, trois jours avant le sommet extraordinaire d’Abuja, pour en appeler à la levée des sanctions contre les pays ouest-africains dirigés par des régimes militaires issus de coups d’État ?
Confortées par la résilience de leurs peuples respectifs, Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tiani se sentent plus que jamais confiants dans leurs postures. Surtout que les pays du Nord, le Maroc et l’Algérie travaillent fort à les détourner des ports du littoral ouest-africain de l’espace CEDEAO. En leur proposant les leurs.
On peut bien penser que c’est une CEDEAO plus que jamais affaiblie, qui tente de sauver les meubles. Elle se rend à l’évidence que les rebelles qu’ils se sont évertué à punir leur ont damé le pion et sont en train de démontrer (même si cela parait souvent surréalistes) qu’ils peuvent bien se passer des acquis de l’espace communautaire. Jusqu’à dimanche, les trois pays de l’AES n’avaient pas encore réagi aux yeux doux des chefs d’États réunis à Abuja. Espérons qu’ils y répondre positivement. En tout cas, cette perche tendue par la CEDEAO au Mali, au Burkina Faso, au Niger et à la Guinée devrait être saisie pour que l’Afrique de l’Ouest se retrouve pour tirer les leçons, toutes les leçons de cette crise. Histoire de partir sur de nouvelles bases pour consolider l’héritage des pères fondateurs et laisser aux générations futures, une CEDEAO des peuples plus forte, plus solidaires, englobant d’autres organisations comme le Conseil de l’Entente, l’AES.
Ténin Bè Ousmane