Depuis plusieurs décennies, la Côte d’Ivoire s’est inscrite dans une logique de représentativité des femmes à tous les niveaux. Une tâche qui commence par la scolarisation de la jeune fille. Or, les chiffres à ce niveau ne sont pas très réjouissants. Surtout dans le nord.
Selon le dernier rapport 2020 de l’Unicef, en Côte d’Ivoire, plus d’une fille sur quatre ne va pas à l’école primaire. Au niveau de l’enseignement secondaire, seulement 25% des filles achèvent leur scolarité contre 31% chez les garçons. À Abidjan, ce taux est de 68% pour les filles contre 78% pour les garçons. Un tableau noirci par l’Agence française de développement (AFD). Les enfants issus du monde rural, dépeint l’AFD, rencontrent plus de difficultés pour accéder au collège et aux classes supérieures. Et les filles sont particulièrement concernées. Ainsi, en Côte d’Ivoire, seulement 2 % des filles issues de familles pauvres en milieu rural peuvent espérer achever le secondaire, contre 49 % des garçons urbains riches, d’après l’AFD.
Zone touchée
Les zones géographiques du pays qui sont les plus touchées sont le nord et le nord-ouest.Un constat étayé une fois de plus par l’Unicef, il y a quelques années. D’après la structure, en 206-2017, plus de deux millions d’enfants en Côte d’Ivoire n’étaient pas scolarisés ou avaient quitté prématurément l’école, soit un taux de près de 43% d’enfants hors du système. L’étude avait aussi laissé découvrir de nettes disparités géographiques, avec les régions nord et nord-ouest, plus touchées, pour des pourcentages allant jusqu’à 55% d’enfants non scolarisés. Aujourd’hui selon les experts, ce pourcentage n’a pas beaucoup évolué. « Si le Nord est touché, c’est parce que nos parents dans cette zones n’ont pas encore changé de mentalité. Ce sont nos réalités. Les parents refusaient déjà d’envoyer les garçons à l’école. Aujourd’hui, ils le font. Mais au niveau des filles, cela prend encore du temps. Nous le voyons dans les classes, lorsque les filles repartent à la maison à midi, beaucoup restent pour faire le ménage», explique Abba Eban, président du Mouvement national des enseignants de Côte d’Ivoire (Muneci).
Mentalités
Un diagnostic confirmé par Kadio Claude Aka, président de l’Organisation des parents d’élèves et d’étudiants de Côte d’Ivoire (Opeeci). «Le Nord et l’Ouest sont les zones où les mentalités ont du mal à changer. Les parents envoient aujourd’hui leurs filles à l’école, mais il y a encore des réticences. Toutefois nous pouvons noter que les choses vont dans le bon sens », indique-t-il. Gnininmankiné Ouattara, ¨Présidente de la Fondatrice de l’ONG Tchelewoyé chargée de la protection de la jeune fille, souligne que la sensibilisation menée par autorités est en train de porter ses fruits dans le nord. Du moins, en ce qui concerne la scolarisation de la jeune fille. « C’est un combat de longue haleine, mais pour le remporter, il faudra l’engagement des parents. Il faut leur expliquer le bienfondé d’envoyer leurs enfants à l’école. Beaucoup le comprennent aujourd’hui, avec le développement. Mais dans nos localités les plus reculées, certains font encore de la résistance. Il faut continuer la sensibilisation. Aujourd’hui, bon nombre de femmes du nord sont devenues des cadres. Elles doivent également s’impliquer dans la lutte pour la scolarisation de la jeune fille dans cette région de la Côte d’Ivoire », fait-elle savoir. ,
Représentativité
En effet, la représentativité de la femme dans les services publics et privés est liée à leur scolarisation. La dernière étude de l’Unesco montre qu’environ 60% des analphabètes en Côte d’Ivoire sont des femmes, sur un taux d’environ 44%. Ce qui constitue un handicap dans leur accès aux opportunités d’emploi. Par ailleurs, les stéréotypes sexistes issus du patriarcat les confinent dans des filières dites féminines peu qualifiantes et peu rémunérées.C’est conscient de cela que le gouvernement a décidé de passer à la vitesse supérieure. D’abord, en attaquant le mal à la racine, avec notamment sa politique «école pour tous».
Aujourd’hui, le taux de scolarisation de la jeune fille sur le plan national est en progression. Dans le primaire, le taux net de scolarisation (TNS) est passé de 77,10% en 2015 à 90,10% en 2018, soit une progression de 13%. Dans le premier cycle du secondaire, ce taux est passé de 29, 90% en 2015 à 39,60 en 2018, soit une hausse de 9,7 %, tandis que dans le second cycle du secondaire, ce chiffre est passé de 8, 80% en 2015 à 15% en 2018, soit une hausse de 6,2 %. En attendant les chiffres récents, la courbe est encourageante.
Georges Dagou