« J’exhorte le Capitaine Ibrahim Traoré à appeler son père Alassane Ouattara » , Tahirou Ag Taglif, Président du Conseil National Des Burkinabè De Côte d’Ivoire

Diplomatie Politique

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur départ de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ce dimanche 28 janvier 2024. Comment cette nouvelle a-t-elle retenti dans l’esprit des ressortissants de ces trois pays résident en Côte d’Ivoire ? Ce mardi 30 janvier 2024, Savane Info est allé à la rencontre du très respecté patriarche Tahirou Ag Taglif, à Abidjan-Port-Bouët-Vridi Canal. Cet octogénaire est à la fois, le président de l’Association Kal-Tamasaheq du Niger, Burkina Faso, Mali et Côte d’Ivoire réunis ; président du Conseil national des Burkinabè de Côte d’Ivoire (CNB-CI). Il est aussi le premier vice-président de l’Union des ressortissants des pays membres de la CEDEAO ( Urem-CEDEAO). 

Vous êtes à la tête de plusieurs organisations de ressortissants de pays membres de la CEDEAO résident en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui justifie votre forte implication dans ces structures communautaires de ressortissants ouest-africain ?

Je dois d’abord signaler que Je suis né au Burkina Faso, mais je vis en Côte d’Ivoire depuis près de 50 ans. Nous avons vu comment nous sommes accueillis avec enthousiasme dans ce pays. Il était donc important que nous puissions nous organiser pour mieux travailler dans la cohésion avec nos hôtes Ivoiriens. Il faut souligner que toutes ces structures ont pour dénominateur commun la promotion de l’intégration effective entre les peuples de la CEDEAO et de toute l’Afrique. 

On avait en effet constaté que la CEDEAO n’était qu’une affaire entre États. Dans les faits, on constatait régulièrement des injustices comme les entraves à la libre circulation des biens et des personnes… Donc l’Union des ressortissants des pays membres de la CEDEAO l’UREM-CEDEAO, a été créée pour promouvoir l’intégration des peuples de cette espace. 

L’année 2023 a été difficile dans la coopération entre votre pays d’accueil, la Côte d’Ivoire et ses voisins du Nord, notamment votre pays d’origine, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cela après des coups d’Etat intervenus dans ces pays.  Comment vivez-vous cette situation ?

Je suis très réservé sur les questions politiques. Mais il faut souligner que c’est ainsi que le monde avance. Dans toutes les relations, il y a des hauts et des bas. Il y a des moments où tout se passe bien, mais aussi des moments difficiles. Nous avons constaté cela aussi, mais avec regret. Tout notre souhait, c’est que les États s’entendent. C’est tout ce que nous souhaitons et nous sommes convaincus que ces moments difficiles passeront. 

Ça, c’est entre les États. Au niveau des peuples, il n’y a pas de problème. Vous me donnez l’occasion de remercier les autorités et le peuple ivoiriens pour l’hospitalité qu’ils nous offrent dans ce pays. Les Burkinabè, qui ont certes connu des moments difficiles par le passé, vivent mieux et dans une parfaite cohésion avec leurs tuteurs Ivoiriens. Cela depuis l’avènement du président actuel Alassane Ouattara au pouvoir….

Depuis ce dimanche 28 janvier le Mali, le Niger et votre pays le Burkina Faso ont décidé de quitter la CEDEAO. Comment réagissez-vous à cette décision ?

Je suis très réservé sur les questions politiques. J’ai appris la décision comme tout le monde. Je ne sais pas pourquoi. Mais je demande une chose à nos chefs d’État : qu’ils prennent les décisions qui accélèrent l’intégration entre les peuples africains. Est-ce que cette décision de quitter la CEDEAO va dans ce sens ? Je m’interroge. Que les dirigeants africains ne se laissent pas guider par des conflits conjoncturels. En ma qualité de président du Conseil des Burkinabè de Côte d’Ivoire, j’exhorte le président de la Transition du Burkina Faso à appeler son père, Alassane Dramane Ouattara pour s’accorder et mettre fin à leur différend. Je prie aussi le Président Alassane Dramane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire d’accepter de s’ouvrir à ces jeunes qui ont pris le pouvoir au Burkina Faso. Nous sommes très embarrassés face à ces informations. Que les deux présidents acceptent de se parler. Je leur demande de penser à tous ces peuples qui vivent ici, en paix en Côte d’Ivoire depuis des décennies.  

Il faut que les gens sachent que les Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont deux frères germains. On caricature ça en parlant de chambre Salon. Quitter le Burkina Faso pour venir en Côte d’Ivoire, c’est quitter son salon pour sa chambre.  Tout ce que nous souhaitons, c’est que les autorités des deux pays se souviennent que les deux pays ont une communauté de destin. Nous souhaitons que le président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré parle avec son papa, le président Alassane Ouattara. Nous appelons les deux présidents à se parler et à s’entendre. Surtout entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Cette situation au sommet nous embarrasse sérieusement. Ça nous met mal à l’aise. 

Lors d’une visite à Ouagadougou en janvier dernier le chef communautaire a été reçu par les autorités de la transition.

Vous avez effectué une visite récente au Burkina Faso où vous avez été reçus par les autorités de la Transition. Leur avez-vous donner des conseils dans ce sens ?

C’est après ma visite que j’ai appris cette décision. Mais Je n’étais pas allé donner des conseils. Comme je vous le dis, je ne fais pas de politique. J’étais allé apporter un soutien de notre organisation aux autorités militaires pour la lutte contre le terrorisme. Nous sommes allés les encourager dans le lutte contre les forces du mal qui déstabilisent nos États. 

Sur cette question de lutte contre le terrorisme, il semble que l’armée burkinabé a fait de grands progrès ces derniers mois. Cela est-il avéré ?

Je ne suis pas sur le terrain. Tout mon souhait, c’est qu’il en soit ainsi. 

Ces informations sur la bonne progression des soldats sont relayées sur les réseaux sociaux…

C’est tout mon souhait. Sauf que je me méfie des informations distillées sur les réseaux sociaux. Beaucoup de désinformations y foisonnent. Je pense même que ces réseaux sociaux sont à l’origine de tous nos problèmes dans la sous-région. Notamment entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. 

Vous me donnez-là l’occasion d’interpeller tous ceux qui utilisent ces canaux pour diviser nos peuples. Je veux m’adresser particulièrement à vous les journalistes qui relayent malheureusement très souvent ces informations qui alimentent et aggravent les conflits entre les peuples. Je vous demande de donner des informations qui peuvent faire changer positivement nos sociétés, qui peuvent renforcer l’intégration africaine. Et non le contraire.

Voulez-vous dire que cette décision de quitter la CEDEAO par ces trois pays vous inquiètent-elle ?

Je ne veux même pas y croire ! Je ne le souhaite surtout pas.

Quels conseils donnerez-vous au président Ibrahim Traoré après cette décision ?

Je lui demande d’élargir sa coopération avec tous les pays africains. Oui, je peux comprendre que notre pays a été très éprouvé par le terrorisme. Toute chose qui a créé une crise de confiance entre le Burkina Faso et la France. Mais nous ne devrons pas aller jusqu’à fermer nos portes. Nous devrons rester ouverts surtout à tous nos voisins. Mais je suis convaincu qu’un jour (et cela ne saurait durer), tous ces conflits qui conduisent à ces décisions de rupture trouveront une solution.

Partagez-vous cette rupture entre les autorités du Faso et la France ?

Je ne fais pas de politique. Mais je fais partie de ceux qui pensent que la France peut nous aider à nous débarrasser du terrorisme, si elle le veut. Mais, elle a donné le sentiment qu’elle ne voulait pas vraiment cela. Puisque pendant que les soldats français étaient sur notre sol, ces forces du mal prospéraient, décimaient et exilaient des milliers de populations civiles.

Aujourd’hui, mon obsession, c’est qu’on se mettent ensemble entre Africains. C’est chez nous que le terrorisme sévit et non en France ou ailleurs. Il faut que tous les États africains le sachent et se mettent d’accord pour mener ce combat. Je le souhaite fortement pour mon pays le Brurkina Faso ; et surtout qu’il ne se brouille pas notamment avec la Côte d’Ivoire. 

Avez-vous un message pour le Président Ouattara de Côte d’Ivoire ?

Je lui demande de faire la paix avec tous les autres pays voisins. Je peux accepter une rupture avec tous les pays occidentaux, sauf nos voisins d’Afrique, plus particulièrement la Côte d’Ivoire. Notre problème, c’est le terrorisme. Ce sont ces forces du mal qui nous ont mis dans cette situation. J’invite tous nos dirigeants de l’Afrique de l’Ouest, de la CEDEAO à comprendre cela. C’est ce phénomène qui est notre ennemi commun. Et il est en train de réussir, en plus de décimer nos familles, à nous diviser et à nous dresser les uns contre les autres.

L’Afrique est un grand marché que nous devrons nous obstiner à construire. Nous ne devrons pas nous laisser distraire. Il faut que nous nous mobilisions pour mettre fin au terrorisme et nous concentrer sur la construction de notre continent en accélérant l’intégration nationale.

Réalisée par Ténin Bè Ousmane

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